
Objectifs de ECA
ECA, Emballages et Conditionnements Alimentaires, 1850 - 2000
Il s'agit d'un programme français qui s'insère dans un projet européen plus large, le projet EUWOL, European Way of Life under the American CenturyEuropean Way of Life under the American Century. Participant du programme Inventing Europe lancé par l'ESF, il est constitué de 3 piliers, la Maison, les loisirs et l'alimentation. Le projet ECA constitue un des constituants du sous-projet "alimentation" et s'associe au sous-projet "Maison".
Objectifs et Contextes
L’histoire des emballages et du conditionnement alimentaires est un sujet fort mal connu car très peu étudié par les historiens, qu’ils soient en histoire économique ou sociale. Certes, des travaux ponctuels ont pu être menés (M. Bruegel sur la conserve, N. Marty sur le verre, D. Woronoff sur les aspects généraux), mais ils restent limités soit à un type d’emballages, soit à un type de contenu. De même, les autres sciences humaines, en France comme à l’étranger ont pu aborder le thème (F. Cochoy), mais sans lui donner une réelle portée historique sur la longue durée.
Et pourtant, il s’agit d’un thème qui se situe à l’interface de nombreux axes de recherches potentiels. En effet, depuis la production industrielle au milieu du XIXe siècle jusqu’à la place omniprésente des emballages alimentaires aujourd’hui, les modes de vie en France et plus généralement en Occident en ont été transformés.
L’emballage est en effet au contact de plusieurs innovations, transformations, etc.
Dès leur apparition durant la première moitié du XIXe siècle, les emballages alimentaires induisent plusieurs transformations de première importance :
Ils constituent une transformation majeure de la façon de conserver les aliments (Nicolas Appert et l’Appertisation) qui a des répercussions sur les lieux de production, sur la transformation des aliments, la manière de les consommer, les lieux de consommation. Un très bon exemple en est donné par la naissance et le développement des conserveries de sardines sur la côte Atlantique.
Ils répondent ce faisant aussi à des problèmes de santé publique et améliorant la conservation et en supprimant des risques d’intoxication. Ce thème reste présent, malgré les profonds changements du secteur. De ce point de vue, les emballages alimentaires modernes introduisent une rupture de première importance en se substituant au sel, au fumage et au séchage.
Ce faisant les emballages influent aussi sur la façon de consommer les aliments, voir l’importance de l’utilisation du verre pour la bouteille et les bocaux (Production industrielle par exemple à Trélon de bouteilles) qui permit que progressivement les vins soient consommés en bouteille et plus en carafe (Brillat-Savarin).
Les pratiques culinaires s’en trouvent transformées de plusieurs manières. Grâce par exemple à l’appertisation, mais c’est encore plus juste avec le développement du froid comme méthode de conservation, les aliments subissent des transformations moins fortes, restent plus proches d’un certain état naturel qui permet de les cuisiner et les consommer comme des produits frais. L’influence de ce phénomène sur la cuisine bourgeoise du XIXe siècle, sur la nouvelle cuisine de la seconde moitié du XXe ou sur la cuisine industrielle tout le long du XXe siècle est évident.
Mais les emballages et les conditionnements ont d’autres effets.
Ils transforment tout d’abord les méthodes de transport. Ils permettent ainsi aux aliments de suivre la révolution ferroviaire, contribuant à l’unification alimentaire du pays (Pitte), et contribuent également à une circulation plus rapide et plus forte des aliments sur la planète.
C’est aussi une adaptation des moyens de transport et la mise au point de formes logistiques nouvelles. Du transport à courte distance dans la dynamique spatiale des marchés et des foires régionales, on passe à des trajets de plus longues distances de manière systématique (ils existaient auparavant quand même avec les bateaux et les charrettes). Le chemin de fer, par la conception de wagons spéciaux et la disposition de gares de marchandises a imposé des emballages spécifiques. Le développement du froid comme moyen de conservation a aussi été une conséquence de la possibilité de conditionner pour le transport des produits alimentaires (Les brasseries Tourtel qui envoient leur bière en fûts réfrigérés, les laiteries d’Échiré qui organisent la fabrication pour être au plus près des moyens d’approvisionner rapidement le marché parisien). Aujourd’hui, le chef Alain Passard se fait livrer par TGV ses légumes frais de ses potagers en Anjou.
Dans les méthodes de distribution, grâce aux emballages, on passe du vrac à aux produits emballés, de l’anonyme à la marque, etc.
Ces aspects vont en s’accentuant au long du second XIXe siècle et surtout durant le XXe, aidé par une production toujours plus importante de produits et l’apparition de nouvelles matières, en particulier le plastique à partir des années 1950.
Dès lors une nouvelle problématique intervient, celle de la concurrence des matériaux, au sein des mêmes produits, concurrence entre le fer-blanc et l’aluminium en particulier dans les boissons, concurrence entre matériaux, verre contre plastique, papier/carton contre plastique, etc.
Cette concurrence n’est pas anecdotique, elle touche au domaine de l’histoire des techniques et de l’innovation, le plastique paraît plus pratique que le verre car incassable, le métal est facile à recycler, etc. Des aspects esthétiques interviennent aussi, qui touchent aux techniques du marketing ; le verre met en valeur les produits, le carton couché à partir du début des années 1960 permet d’adapter l’emballage aux nouvelles techniques du commerce en particulier la grande distribution et la nécessité d’un emballage attirant qui fasse vendre.
Dans le même temps, mais cela remonte au début du XXe siècle, l’emballage alimentaire est un vecteur d’information destiné au consommateur, depuis la description succincte du contenu accompagné éventuellement d’une image du produit puisqu’il est désormais emballé et donc invisible, jusqu’à l’information nutritionnelle, médicale et légale de la fin du XXe siècle.
Par ailleurs, l’essor de l’emballage alimentaire accompagne le développement d’une société de consommation et du gaspillage alimentaire, marquant le passage de la pénurie à l’abondance.
Tous ces points montrent aussi que le sujet est extrêmement vaste et qu’il ne saurait être question de tous les traiter dans les 4 ans du projet.
Ce projet est à la fois plus ambitieux et moins large. L’objectif à terme est de permettre l’émergence d’une vraie recherche sur ces thèmes qui continuent après le programme et permettent d’envisager sur le très long terme d’avoir une connaissance approfondie du sujet. Pour ce faire il faut travailler dans un premier temps et ce sera l’objectif de ce programme sur un espace plus resserré. Non pas réduire l’espace-temps, cela fausserait inévitablement les analyses, mais se concentrer d’abord sur quelques domaines ou problématiques qui permettront de présenter à la fin du programme des résultats probants tout en ayant des étudiantes, Master, thèses, post doct, qui travaillent sur le sujet.
Ce resserrement tiendra aussi compte des forces de l’université française. En effet, le sujet ayant été très peu abordé jusqu’à présent, il y a non seulement peu de travaux mais aussi peu de spécialistes. C’est la raison du choix des intervenants et des partenaires de ce programme.
Le choix d’une entrée par matériaux (ce qui correspond aux spécialistes retenus) et aussi un choix délibéré car il permet de mettre en regard l’évolution des emballages et des conditionnements et les considérations environnementales, sociétales et les questions de développement durable. Ainsi ce projet blanc n’est pas uniquement destiné à explorer l’histoire, même si c’est son objet principal, mais aussi à poser les termes d’une réflexion sur la problématique de l’innovation et sur la société contemporaine avec les partenaires entreprises sollicitées.